Extrait n°2. L’aspirant SAB

N°2. Le blessé Miloud

Sab vient de donner l’assaut : 6 moudjahidines au tapis, 2 prisonniers… Le Caporal Sow Bobo appelle l’Aspirant auprès d’un jeune feilagha gravement blessé, Miloud.
– Mon yeutenant, viens vite. Y’a l’autre prisonnier qui demande le chef…
Sow Bobo m’entraîne vers un gourbi, un peu à l’écart.
J’entre dans la pénombre. Allongé sur une couvrante chiffonnée, déchirée, baignant dans son sang, un jeune type – vingt, vingt-trois ans ? – me regarde, tremblant. Toute la terreur du monde est dans ses yeux.
– Ne me tue pas… Ne me tue pas…
– Calme toi. On va te soigner. Le toubib va arriver…
Je lui prends le bras. Il s’apaise un peu. Je l’examine. Sa cuisse a été labourée par une rafale de 9 mm. J’arrache le pantalon. Le sang bouillonne… l’artère fémorale… je pense, je suis sûr qu’il est foutu.
– Sow, rassemble les paquets de pansements individuels de ton équipe. Tu sais faire un pansement compressif ?
– Oui, mon yeutenant.
– Alors, vas-y. Fais-le.
… Le jeune homme continue à geindre. On dirait qu`il souffre moins. Dans sa veste de combat, je trouve un porte-feuille… sa carte d’identité…
– Tu t’appelles Miloud Amara, tu as vingt et un ans, tu habites Tunis. Qu’est-ce que tu fous, ici, Miloud ?
– J’ai passé la frontière avant hier, avec monsieur Ibrahim. Il est gentil, monsieur Ibrahim, il m’a donné de l”argent, des habits neufs…
– … et un fusil, pour te faire trouer la paillasse, dis-je en m’énervant.
Des photos tombent du portefeuille. C’est lui, dans une rue de Tunis, avec des copains, avec des filles en robes à fleurs…
Miloud raconte :
– je suis Algérien, tu sais. je suis né à Bone. j’étais étudiant à Tunis, à la grande Zitouna. Le bureau du FLN, il est juste à côté.
Alors, ils m’ont dit : « tu es algérien, mon frère, tu dois faire ton devoir, tu dois t’engager dans la lutte révolutionnaire »… Je pouvais pas refuser… Je pouvais pas refuser… tu comprends ça ?
Quoi dire ?
– Moi aussi, j’étais étudiant, il y a deux ans. Moi aussi, je fais mon devoir… Moi aussi, j’ai des photos de copains, de copines dans mon portefeuille.
Je les lui montre.
Un pauvre sourire éclaire son visage luisant de sueur…
– C`est ici qu’il y a un blessé ?
Lacroix entre. Il a suivi le commandant Hugues qui vient d’arriver sur les lieux de l’accrochage. Je vois à sa tête qu’il n’y a pas d`espoir. Le toubib sort de sa trousse une ampoule de morphine.
Miloud se remet à trembler de tous ses membres :
– Ne me tue pas…
– ]e ne veux pas te tuer. Au contraire, ça va te soulager, c`est de la morphine. En attendant qu’on te soigne mieux…
– Si Mezziane et monsieur Ibrahim, articule le blessé, ils disent que tous les militaires français, même les médecins, ils tuent les prisonniers…
– Eh ! bien, ils se trompent, tes cons de patron ! dit Lacroix, en faisant sa piqûre.

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